Visite médicale

Une visite médicale ce matin en vue d’une activité professionnelle alimentaire.

un contexte simple: Doctoresse à patiente, femme à femme.

Le propos ? soutifs, slips, règles, vagin, hommes, vénales, putes, manipulateurs, les mots sont énumérés comme dans un dialogue féminin qui porterait l’essence féminine via le potin, le commérage, la reconnaissance du genre.

Situation:

Elle veut savoir, je suis docile, un rien zélée. Elle veut savoir, je l’apprivoise, je sens qu’à travers son jugement retranscrit dans le dossier, ma candidature sera appuyée ou contestée.

Un test VIH ? je fais d’abord semblant de ne pas accepter, ma sérologie est assurée, mon secret bien gardé, ici, ils n’en seront rien.

Vient alors la déviation, l’assurance de la discrétion. « Ce n’est aucunement discriminatoire ! » j’approuve en souriant, psalmodiant que la pratique et la théorie sont bien plus traîtresses que la logique humaine. Je crains qu’elle ne sache pas ce qu’est la discrimination, qu’elle ignore les endroits feutrés où on la trouve, et qu’en tant que membre du corps médical, elle ne puisse de toute façon rien avouer, assumer.

Allez, table, papier hygiénique… je me vise dans le reflet, les marques de l’électrocardiogramme (je l’ai subi, tout comme pour les sportifs et les spationautes, sauf que moi…. (…)) sont encore roses, ridicules pistes d’atterrissage sur un vaste champ en jachère.

Mon corps est amer, aléatoire, difforme selon le canon contemporain, surréaliste par principe justificatif de coquetterie, mi Botero, mi Rubens, selon la facile référence désuète sans valeur ajoutée. La pige est froide, le pèse personne est une salope de balance, un délateur de complexe.

Diagnostique ?

Voilà, j’approche la centaine de kilos, cette limite, cette échéance, cet échec, cette marque au fer. Mon indice de masse corporelle me jette dans la pénible obésité, ce superbe terme pathologique emprunté au registre des maladies honteuses, parfois infantiles, rarement liées à la malchance, mais plutôt à la déchéance.

Je ne grandis plus, c’est accordé.  je suis élargie, dilatée, remplie.

En sortant du grand bâtiment, qui cache ses airs de sépulture, je fais mine de marcher allègrement. En avalant mes deux pains au chocolat, serrant tout autant mon sandwich au brie, j’écris mentalement ce que j’écris là.

 

Pauvre d’émoi, je me rappelle alors la phrase de l’enculé lorsqu’il avait eu l’audace de me coincer dans une intimité que je ne désirais plus commune depuis des mois, cette intrusion dans un moment d’horreur me fit douter de ce que j’avais pu donner et supporter pendant des années.

Ma déchéance physique trouvait un écho en sa dernière phrase assassine, du moins celle qui me prit au col.

« T’as pris un sacré coup de cieux, ma grosse… »

Nue dans la baignoire, attendant que l’eau se réchauffe, je me souviens avoir reçu l’épine de venin dans le ventre, l’ultime enculade de ce vampire affectif, lequel, la nuit précédente, prétextait la maladresse et l’éternelle manque d’amour pour ne pas avoir su m’aimer correctement.

Les larmes noyées dans la douche, je fus privée encore et depuis, du respect de ma carcasse, de ce « self-esteem » tant vanté. L’intimité inquiétante me perdit dans l’impudeur, parce que je me persuadai alors qu’il n’est pas respectable de ne pas être belle, désirable aux yeux du plus grand nombre. Mes feintes, accessoires, leurres et autres jeux de pouvoir ou de désengagement ne me rendent pas belle. (fredonnant Catherine Ringer…).

La force ne se trouve pas dans l’expansion, mais dans la réserve, l’ascétisme et la proportion, lesquelles me sont totalement inconnues, sauf en amour, défi que je n’ai relevé qu’une seule fois depuis.

 

En tirant ce matin sur mon pull, j’ai ressenti les gestes cachottiers, les attitudes trompe-l’œil… regardez, je peux croiser mes cuisses sans (trop) d’encombrements, même qu’allongée, je peux montrer un ventre concave, et surtout admirez le décolleté bien relevé, redressé par de la ferraille.

Rien n’est assumé, ni même apprécié, encore moins contrôlé. Les excès sont ces gageures désappréciées, dénigrées, perturbées.

 

(J’écris de la même manière que je mange, d’un seul coup, beaucoup, après jugement taraudant, j’écris et mange de la merde, j’écris, je mange mal. Malbouffe et malécriture.)

 

D’ailleurs, je recommence à ne plus mémoriser, les données des alentours, gens, mondes, atmosphères, leçons, rien n’est plus assimilé, le trop plein refuse l’entrée du reste, même bon, prophétique, généreux.

 

J’oscille entre une petite survie mal gérée et une revendication passéiste. Je tombe dans une enfance, encerclée de choses déjà vécues, seul le ressenti varie, plus complexe, plus analytique (à l’arrache), plus complexe (parce que différé), les rôles se renversent et se noient dans un caramel cérébral mou.

Je joue à la femme qui observe l’enfant qu’elle a été, quand elle était encore naïve, intouchable (quoique), mince, fine et vivante de tous ses espoirs.

 

Tiens, ça ressemble à l’hiver….