Luttes…

Lieux de lutteS, textes et participations à des espaces-temps, …

  • Décembre 2022: J’ai été honorée de pouvoir présenter les intervenant·es de la 2ème édition du Bandung du Nord qui s’est déroulé à Bruxelles, organisé par le collectif Bruxelles Panthères. J’ai choisi de pratiquer la présentation non-académique et d’inciter les interstices entre les interventions à rendre compte de langues poétiques, majoritairement d’auteurices des Suds. Mes choix sont repris ici.
    Les vidéos des 2 jours sont disponibles sur la chaîne twitch de Paroles d’Honneur et les textes retranscrits seront bientôt disponibles sur les sites du QG Décolonial et Bruxelles Panthères.

  • Avril 2019 – Soutien à cet appel de la Coordination des Sans Papiers de Belgique: ICI.

    Recommandations pour les élections fédérales, régionales et européennes du 26 mai 2019

    Appel aux partis politiques …Notre étude et nos recommandations invitent nos futurs responsables de l’Etat belge aux niveaux régional, fédéral et européen, à trouver une solution durable, raisonnable et digne d’un État de droit à la situation des femmes, hommes et enfants sans-papiers qui vivent ici depuis tant d’années.Les sans-papiers revendiqueront cette régularisation une fois encore, et nous espérons la dernière, lors de la Manifestation nationale que la Coordination des sans-papiers et tous les Collectifs organisent le dimanche 28 avril à 14h00 à la Gare du Nord.

  • La Coordination des sans-papiers invite tous les citoyens, les démocrates, les « communes hospitalières », les associations, les syndicats, les mouvements et les partis politiques à s’associer à cette manifestation, et à utiliser leur vote le 26 mai prochain pour un gouvernement qui régularisera les sans-papiers !

    Lisez nos Recommandations pour les Elections du 26 mai 2019

  • Novembre 2018: Collectif Rosa Parks, disparaître et réapparaître – Boycott 30/11 & Marche 1/12 Collectif Rosa Parks Belgique

    « Les gens ont toujours cru que je n’avais pas cédé ma place parce que j’étais fatiguée. Ce n’estpas vrai. Je n’étais pas fatiguée physiquement. J’étais surtout fatiguée de devoir capituler. » – Rosa Parks

crp manu scordia

D’où ça (me) vient?

J’ai eu la chance d’être élevée (et rabaissée dans la cellule familiale) dans des zones à défendre (de celles prévues pour ne durer que le temps de l’arrivée des « populations immigrées dès 1960), aidant dans un café-brasserie appartenant à mes grands-parents proche d’une gare de banlieue est-parisienne, lieu typiquement « intersectionnel » dans ses problématiques de croisement entre « beaufs et barbares » (cf. Houria Bouteldja – Janvier 2023).
Je saisis plus d’une fois – mandatée ou auto-légitimée – ma posture privilégiée de meuffe blanche à grande gueule (petite-fille de commerçants-chasseurs-pêcheurs menée à la répartie de comptoir et meuffe cis-hétéra (dé-) »formée » avant ses 11 ans sur la défensive) comme pare-feu contre les violences systémiques qui m’apparaissaient déjà à l’école, dans la rue, dans les clubs sportifs, dans les MJC, dans le voisinage, sans bien sûr nommer du lexique actuel les oppressions et discriminations que 89% de mes pot·in·es subissaient.
Autant ma famille sanguine est peureuse, xénophobe post-Gaulliste-Néo-Lepensiste, complexée de classe et dépassée par la réalité sociale de la banlieue-est, autant ma famille sociale (mes copain·es, leurs parents-aïeul·es et leurs communautés, quelques profs) me confronte, me soigne, me politise, me porte et me questionne, jusqu’aux ruptures que d’autres nomment stratégies de survie.
Déjà enfant, je ne crois pas au narratif patriotique-français, autant parce qu’il est porté par mon environnement familial qui me violente et m’ostracise, mais aussi parce que les micro-interactions qui me sont permises avec des livres, des films (que je vois en cachette), le Hip-Hop, la Rn’B, la fameuse « musique du monde » (sic), les discussions de préau (violences policières, injustices sociales, maltraitance institutionnelle, discriminations race-classe-genre, …) des grand·es-frères&soeurs 2ème génération d’immigration d’Afrique de l’Ouest et du Nord, mais aussi du sud européen, montrent que le mensonge d’Etat devrait me soutenir. Par peur de ressembler aux « miens », par l’amertume de tant d’injustices, par besoin de « paix » (aussi révolutionnaire doit-elle être), par contradiction des « normes », par empathie aussi, par une sérendipité aussi hasardeuse que judicieuse, je me forme au NON contre l’Etat. Les « années SIDA », les manifestations « Touche pas à mon pote » (y avait que ça pour moi à ce moment là!), les ripostes estudiantines contre les réformes dont la fRance raffole et les studios et les caves où le rap casse le flux colonial.
Après plusieurs fugues, je file à Londres, avec deux acolytes virés de chez eux parce que gays chez les cathos et les bourg’, en avisant mon départ par un post-it collé sur la porte de la cuisine. « Good Bye » écrit dessus en fluo.
La ville libérale est une succube bien sexy, elle accueille les requins, les murènes, les barracudas mais laisse les dorades comme moi sur le dos au fond. Aucun plan de carrière, des choix pourris dans mes intimités (ah si MeToo m’était compté à ce moment là), un rapport désinvolte au peu d’argent que je « gagne », le combo gagnant. La rue (quelques mois en hiver – snif), des squats plus ou moins organisés, des colocations avec des gens de « petite vertu » (parfois compensée par des coeurs vastes), des quêtes d’Eden chimique, des nuits rugueuses et des jours contrits. Lieux-noeuds d’où émergent quelques nouvelles amitiés reliées par une langue commune qui renforce le NON déjà-familier. Les SANS deviennent ma chair psychique, je suis un peu et pas comme elleux. J’oscille entre plusieurs communautés et braconne, sans poser le pied, des propos, des pratiques, des reculs et des impulsions des Fems violentées dans les quartiers touristiques, des DragKings du Black Cap de Camden, des anti-racistes 2ème génération qui attendent (encore) la chute de la monarchie impérialiste, des anti-fa de salons, des sans papiers anglophones soudanais, yéménites, irakiens (invasion Koweit 1.0), des taxis non officiels (pré-Über), mes collègues de hangar d’usines qui s’organisent pour que les produits périmés d’un jour ne soient pas javelisés, mes collègues femmes de chambres venues de Mongolie qui refusent l’humiliation des clients qui leur parlent comme à des (…), des papas jamaïcains dont la déchéance de nationalité britannique risque de les renvoyer sur une île caribéenne qu’ils ne connaissent ni ne désirent plus,
et puis des riches de SOHO à qui je sers du Barolo Riserva à £200 la bouteille dans les restos, et puis les bourgeois pour lesquels je réserve des suites dans des hôtels de luxe en last-minute à £3000 la nuit,
et puis les vieilles nobles décaties bénévoles chez Humana ou Oxfam qui caressent les cheveux « crépus » des enfants de la dame de ménage comme leurs corgis,
et puis, les buveurs de pintes à dans des pubs aux costumes City – juxtaposition impossible, stratification de ravins.
Destination Bruxelles. Je ne sais pas que juillet est son mois le plus pluvieux, je ne sais pas qui est Léopold II, Baudouin et Paola, ni Lumumba, ni Krumah, ni Bouamama, ni Houria (bon, oui, 2 fois…).
Mes exigences et mes dépendances ne sont pas encore alignées, j’en bave encore dans mes choix pro et perso, mais je me connecte lentement aux contradictions d’un autre de ces pays indignes. La Belgique, pas si plate.
J’y accouche de mon désir poétique d’écrire le NON. Scènes, ateliers, rencontres, failles, doutes, réitérations forgent de nouvelles articulations.
Puis, un fils sort de moi, il va falloir ajuster les héritages et les étoiles. La parure mère ne me convient pas socialement, pourtant la responsabilité de lui dire ce qui peut être considéré comme en contre-vérité et quête de libertéS m’incombe.
Depuis l’an 2000, ma résidence en Belgique n’est jamais confortable, tout territoire nécrogène qu’elle est, des gens choisissent ou subissent d’y gagner leur pain et je fabrique tant bien que mal, soutenue par des cercles de plus en plus vertueux et radicaux, des dispositifs (scènes, ateliers, rencontres, formations, actions, …) pour exercer le NON aussi poétiquement / pragmatiquement possible.
La lutte des sans papiers m’engage de plus en plus, elle matérialise le cumul de toutes les violences d’Etat – L’hydre est inventive, pandémique, élastique et le temps d’aiguiser nos lames est compressé. La lutte dure longtemps, on n’attend pas, je lis, traverse, écoute, assiste, prendre mes mots entre mes bras et mon thorax dressé vers le poing, aussi haletant soit le ru.