Quelques minutes pour respirer. Quelques secondes pour hurler. Déjà la liberté s’estompe. La délivrance n’est qu’un leurre. Selon l’évidence, je dois désirer cette vie. La Création fait si bien les choses que j’arrive dans les temps. Mais il se peut que je ne sois pas terminé. Il se peut que je ne veuille pas pénétrer cet ailleurs, entrer dans ce dehors.
Alors vos ombres gesticulantes, vos formes courbées, votre air acide, tous ne sont peut-être que les signes d’une fin que je désire plus que ce début maladroit. Naître, c’est déchoir, naître, c’est commencer à mourir. Me voici donc sur ce toboggan géant. Vos accroches corps me déchirent. Je crois que je préfère la chute de mon histoire à son développement. Je n’apprécie pas les articulations mécaniques de cette matière chaude dégoulinante qui me serre contre elle. Débarrassez moi de ce battement de cil, de cette pulsation rythmée.
Je refuse de subir ce sort que je ne recherche pas. L’agression de cet éclat sans filtre, la violence pénétrante de ces odeurs, la nostalgie de l’écran arrondi, il n’y a pas ici de chance pour le répit. Le fourmillement des bruits me chahute. Que me voulez vous ? Qu’attendez vous de moi, je suis un je si petit, si frêle… Votre acharnement et votre volonté d’agir sont un fourvoiement, une recherche périmée. Il serait pourtant temps que vous compreniez que je ne suis pas ce que vous espérez.
Je ne veux pas être un des vôtres, je ne suis pas assez vivant pour apprécier la vie.
Laissez moi préférer ce trou. Lancez moi par terre. Lâchez ce globe sur mon crâne. Permettez que je m’assèche. Souffrez que je disparaisse. Ne branchez pas vos machines. Si je pars, c’est que je ne devais même pas être là. La vie selon votre concept ne me comblera pas. Je m’interdis. Je censure votre continuité. Acharnez vous sur vous. Ce que vous offrez n’allèche que vos illusions.
Voilà… vous voyez, les ondes s’amenuisent, vous sentez ? Les courbes s’aplatissent… vous saisissez ? Vous n’avez pas perdu votre temps, je suis venu, j’ai presque vu mais j’y retourne. Il ferait presque meilleur au creux du vide.
(Illustration de Valérie Winckler, lire et voir tout ça sous Erik Satie, spécialement sous l’influence tranquille et morbide du morceau Fantaisie Valse des Embryons Desséchés)


la désormais célèbre femelle du requin qui ne mange jamais les moules puantes.
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