De battre, mon cœur s’est presque arrêté.

Rien. Finalement rien ne me protège. Ni moi contre moi, ni le reste. Ni mes cheveux, ni mes yeux, ni mes kilos, ni mon obscurité, ni mon rire fort, ni mes excès généreux. Rien ne me protège. Toujours, je prends le premier creux, la vague la plus haute. Toujours, je m’enfonce, la tête garnie d’épingles. Quand je sors, le nuage stagne au dessus de mon esprit. Quand je ferme, tout a fondu. Le liquide surchauffe et je coule sur mes trottoirs.

Rien, finalement, rien ne me protège. Ni Lui, ni eux, ni elle avec ses entrailles et Sa vérité toute enflée, ni lui avec sa poésie et sa foi, ni même ceux qui le disent, encore moins ceux qui s’en persuadent.

Abstentionniste de l’expression, je feinte, je joue, je me mets en joue. Je vise pleine tête. BAM ! En vrac, les os et le cœur s’écrasent contre ma lampe. Ouverte 24 h / 24, je suis. Ah oui, les vannes, les portières, je ne vends rien au détail. Je donne au plus frileux. Je suis la poire généreuse, celle qui délivre du mal, celle qui jouit dans une loupe, celle qui passe le bras par le châssis, celle qui lit dans la salle du bar tabac de la rue des martyrs…

 

Recherche modèles désespérément. Adopte beaux parents pour idylle hypothéquée. Je rêve de la mort de celle que j’invente sous la table. Elle me donne des coups de pieds du regard en disant « chut » avec le doigt sur sa grande bouche. Elle veut pas que je dise que je ne suis pas celle-là, que je ne la reconnais pas, que je ne suis pas contente d’avoir été tirée de son vagin. Et Lui, derrière, Jean Qui Rit, Jean Qui Pleure, il dénonce, il promet mais ne fait rien. Il prie, les genoux contre le plafond, les pieds dans l’émail. Je l’ai insulté pour qu’il m’enlève, mais il a fui. Comme moi. Nous avons fui des uns des autres. Je ne suis plus jamais l’otage de personne.

 

J’en ai touché des ivoires et des ébènes, martelé des outils, et même, j’ai tâté quelques sexes brandis, pour craquer des brindilles mais des branches dans la gueule, plus souvent, j’en ai récolté. Jument vicieuse que celle qui me ferre les muscles. Embrochée sur mon ongle dénonciateur, je tremble à l’idée de sourire. Et quand je dis j’aime, c’est pour dire, aimez moi. Quand je dis j’adore, c’est que je veux être la vedette du quartier. J’aurais voulu être une autiste, la simple fille qui déterre le talent sous une ortie. Laissez moi inventer l’enfance que je veux, si, si, je vous jure, j’aurais pu être la descendante des penseurs, avec juste un brin des Lumières sur mon berceau. Mais cette paresse qui me cramponne, cette pute de trouille dans l’antre, je ne fais rien… Ne bouge pas, me dis je… laisse les, tes paupières sous tes poings. La nuit, je dévalise les frigos et crains la lumière quand j’ouvre la porte. La porte fait tic tac. À chaque ouverture, je prends dix ans dans le nez.

 

Au paravent, depuis tout le temps, je fais semblant de ne pas avoir envie de vivre, et maintenant que je respire, oui, ça, j’en suis sûre, je me le suis tatoué au fond… ben, j’ai des boules de regrets dans la trachée, des pelotes de haine dans les talons.

Je me dis que oui, tout ce présent est bien joli, que le futur donnera du blé mais tous ces monticules dessous, les chaises cassées, les vitres teintées, à qui cela pouvait-il servir ? Pourquoi ne m’a-t-on pas donné les clés ? Les serrures ? Les douilles et la poudre ? Tournicoti, p’tit barillet invisible derrière la nuque. 1, 2, 3 soleil justement… Petit requiem pour une conne qui se sait conne. Rien ne me protège. Rien, ni le tout imaginé, ni le vide fantasmé. Rien ne me protège contre moi, rien.