1, 1, 0, 1, 1, 0, 1, 1, 0, 1, 1, 1, 0, 1, 1, 1, 1, 1…

Chaque année, juste après l’hiver, je renaissais. D’œufs en œufs, muant, brûlant chaque souvenance, annihilant tout principe liant, d’affection. L’isolement fait le printemps. Lapin blanc contre temps présent. Adoptant l’instabilité du renouveau, la fragilité du recommencement, sabotant les ruines, je gelais toute notion du passé et errais dans cet âge de banquise sentimental telle une princesse douairière de glace blottie au creux d’une crevasse, invisible aux yeux de ces cloches d’amoureux, transparente devant les samaritains, imperturbable sous les fluctuations des chaleurs primitives. J’usais de cette religieuse immobilité, le présent n’ayant que son principe intrinsèque pour survivre, je regardais plus loin.

 

J’ai aimé perturber les optimistes et provoquer leurs antagonistes. Point de rancœur quand on oublie l’amour, point d’indigestion quand le festin est frugal. À l’approche de la mort, je paraîtrais jeune et fraîche, sans aucune vie usée à tenter de recycler, sans ces existences que pratiquent les extravertis ou les pondérés. Je me moquais du cycle et abusais de résurrection comme d’autres de langueur, j’étais celle que personne ne peut reconnaître, celle qu’on ignore après lassitude de perte.

La mort peut jouer de ses dés pipés, cette petite mort sans cesse répétée, cette mise en Abymes insensée me laisseront naïve devant le grand jour. J’avais cet idéal de survie au dessus de ce qui fait respirer les autres. Ils aimaient quand j’oubliais, le calendrier coincé dans leur instinct de survie, je jubilais de jours premiers.

Aujourd’hui et demain, hier et encore, jour un.

 

 

(art by Ellen Kooi)