fallait PAS me faire écouter Gainsbourg….

Sombre histoire. Oui. Sombre histoire. Ouvrez les côtes. Respirez fort. Marie, 16 ans, vendeuse de choses, fille triste en profondeur, blonde en douceur. Ma sœur.

Histoire d’histoire. Non. Histoire d’histoires. Pascal, 49 ans, banquier pour les riches, humaniste pour lui-même. Porteur d’Oswald Boateng, rapporteur d’idées noires. L’autre.

Comme dans une chanson du Big Bazaar, comme dans une farandole romanesque, comme dans une série télévisée régionale, ils se sont rencontrés.

Comme un conte du bord du lit, comme un bleuet au milieu des chardons, comme une caresse sans paresse, ils ont fait l’amour, au creux d’elle, au dehors de lui. Sombre histoire, je vous l’avais dit.

Horrible histoire. Non ? Mais si, je vous le dis, je vous le dis ici qu’ils se sont même aimés, à moins que ce ne soit le contraire, je ne me souviens plus. Cette histoire, j’ai souvent préféré l’oublier. Mais ils reviennent. Marie et Pascal hantent mes vues, à chaque banc public, à chaque Mercedes gris métallique, à chaque mégot de Chesterfield, à chaque vitrine de couturier anglais, à chaque sonorité hurleuse, à chaque erse de boucher…

Oui, c’était un hier qui pleure, un passé décapité. J’étais ici, assise à cette même table et je les ai vus. Ils semblaient passionnés, épris de leurs vies, projetant futur simple et futur antérieur. Ils avaient les images, le son mais pas la lumière.

Alors, je vous dirais bien que j’ai essayé de me débarrasser d’eux, que j’ai tenté les analyses, les exorcismes, les théories et même les expériences nouvelles. Mais Pascal et Marie. Marie et Pascal à chaque croisée de carrefour. Ils résonnent dans mon histoire. Ma Marie des bois.

Assise à leur table, je lui aurais ordonné de fuir. J’avais décris craintes et traumatismes. Ils étaient trop… je ne sais quoi… Il était vraiment… Enfin, vous savez, ce sentiment de finalité, de difficulté, d’épreuve soudaine. Mais il l’a convaincue. 49 ans dans son costume complet du parfait héritier. Petite Lolita a succombé. BOUM, tombée sur son crâne jaune. Voiture. Campagne. Luxe et cigarettes coupées.

Ils ont foncé, têtes baissées et yeux convulsés de passion. Ils ont brûlé l’extérieur, leurs corps pelés et leurs cœurs givrés sous les bras. Alors, j’ai soumis mon avis à la chaleur ambiante et attendu de les voir partis. Partis.

Ils ont émigré loin. Loin d’eux malgré eux. L’un a pris l’autre dans son ventre et ils ont fui, réalité et toute autre facette du quotidien. Les autres patientaient. J’ignorais, effrayée.

Un jour, le journal l’a dit. Un vrai journal avec des actualités et des faits divers dedans. Oui, ils ont dit qu’il l’avait battue à mort. Les titres accrocheurs : l’amore, la passionata.

Il l’avait pendue en l’air, tétons accrochés sur des crochets. Il l’avait découpée en six morceaux carrés. Il l’avait déchiquetée en papier mâché. Il l’avait abandonnée sur le bord du pèlerinage, noyée dans les eaux troubles. Il l’avait flouée de son art de tuer.

Marie, blonde et triste, 16 ans à jamais.

 

 

(art by Jenny Tapanila)