« I’m not an animal, I’m a human being » dixit John Merrick

(Hommage à Pierre Guyotat)

 

« I’m not an animal, I’m a human being » dixit John Merrick

 

 

Je suis un être humain.

Je survis de ce qui subsiste. J’ai été créé pour vivre, de la terre au cœur et je vous regarde. Chers désignés volontaires, je suis un vertébré, homme debout, tout comme vous. La perception de cette différence entre nous s’estompe sous le joug de la chaleur de mon sang. Je souffre, je hurle, je pleure, je meurs, je suis un être vivant, je sais.

Ma lucidité stigmatisera t-elle mon essence, mon unité sur un des trottoirs que vous bombardez ? Je suis éphémère, j’ai appris à raisonner mais je suis vivant, à cet instant, obstinément vivant. L’état d’errance, dans lequel nous plongeons, étire ma langue jusqu’au rayon solaire. Je respire tout l’air qu’il est possible d’ingurgiter. Nourri par le vide,

Je suis un être vivant.

Les sirènes avalent votre angoisse, elles hurlent plus fort que nous. La noirceur des rues rend l’activité invisible. J’étaie la ville jusqu’aux lueurs d’un matin sans destin. Les tours trônent encore sur des squares sauvages, les chiens grignotent les pneus des airs de jeux, grognant sur les enfants vieillis par le manque. Cette larme obsolète qui creuse la souillure écrasée sur mon allure, je la lèche voracement. Je pense à cette vie passée, sans préfixe,

Je suis un être humain.

De leurs index pâles, les femmes, prostrées dans des clapiers, pointent les photos collées sur leurs nécropoles murales. Les hommes capons sortent de leurs alvéoles formatées, ils rebondissent sur les pavés sans ligne droite, leur dignité imbriquée sous leurs ongles vaseux. Je fixe l’édifice central, il implose par à-coups cadencés. Je suis le concierge de la cour des miraculés, je vous amène les télégrammes griffonnés d’injures. Ils arrivent sur nous, ils transpercent les monolithes de leurs vrilles retorses. Amies fourmis, regroupez vous, le sort va se jeter. Les corps verts fleuriront un autre jour, vos jeunesses jailliront dans le pus, quant à vos instincts de survie, ils jouent au poker menteur. Je suis mauvais perdant,

Je suis un être vivant.

Modelé dans la pâte des cieux, l’écho nous crache un requiem. Je suis assis sur la branche du trident entre deux idées cyniques, il semble que nous l’ayons cherché, nous, qui ne trouvions jamais rien. Les cornes sortent du bitume, écorchant les chars et les sourires. Nos ailes de grand singe s’atrophient, nos ombres se myopathisent, j’entends les clous qui fouillent les poignets, nos acides fourrures fondent sous l’astre noir. Abandonnons le terreau de la colère, mes aïeux et mes fils. Je fuis par l’avant, lequel se retourne à mon appel. Vivra bien qui vivra le dernier,

Je suis un être humain.

 

 

© Milady Renoir

 

 

(Art by Waldemar Swierzy)