Ils sont nombreux

Ils sont venus, nombreux. Agglutinés le long de la marge, ils lèchent le sable de leurs avides langues effilées. Ils sont venus, avec leurs frasques dégénérées, leurs inconduites ogresses. Ils courent par dessus les civières, baragouinant ce verbe ancestral qui leur donne le culte. Ils défèquent sur les fleurs, gonflent leurs panses avant d’écraser les arêtes des épineux qui jonchent la glèbe. Ils percutent leurs culs gluants au rythme des artilleries, jouent avec les cadavres désarticulés et se plaignent du froid de ce mois de mars avancé. Leurs lèvres gercent mais leurs visages brillent.

Ils sont si nombreux. Ils sont un et tous.

A l’aube, Ils présentent leurs sexes gorgés de plasma aux dynasties déchues, riant si fort de leurs victoires annoncées que les brouillards s’enfuient. Ils n’ont jamais peur. Jamais la sueur ne les a trempés.

Au banquet, Ils arrachent les corps gisants des tranchées, les enfilent sur les lèchefrites pour une bombance plus terrestre que leurs pivots.

Ils sont nombreux, mais il ne faut pas se ruer, il y aura des victimes pour chacun… tout est quand même bien organisé. Ils reviendront.

Après une villégiature sans encombres, ils remontent dans l’autocar rutilant, fourrés aux chairs et aux souvenirs armés, ils choisissent alors la place près de la fenêtre pour se lamenter de quitter cet entracte mirifique.

Ils remercient le Guide en le pointant du poing.

 

Ils sont aussitôt remplacés par un autre déchargement. Eux aussi sont nombreux, tout encore suffoqués de ne pas être les premiers. Alors ils vengeront leur offense en lapant davantage de lymphe, ils crèveront plus d’abdomens que leurs devanciers, ils pisseront tout autour de leurs femelles pour garder le teint jaune. Ce sera mieux, si merveilleux. Et tant pis s’il ne reste rien pour le monde… Ils sont si nombreux.