l’homme sans qualité

Teun Hocks  (s)howUn vagabond ici ou là, imbus de personne, dérivant sur des mots creux comme sur des pâquerettes arrachées/écrasées. L’homme sans qualité survit aux tentatives de Création/gestation, il gère sa vie comme un trou (rempli/vidé/rempli/vidé), le noir nidifie dans son cul/corps, il sait ce qu’est le vide, mais pas l’angoisse.


Ce que nous recherchons ailleurs/partout, il ne le cherche/désire pas. Avili comme un chien noyé, il sert à manger/boire en Vérités accomplies à celles/ceux nombreux/tous qui se croient surmontés d’un talent inouï/valide.


L’homme sans qualité n’existe pourtant/sûrement que dans la tête querelleuse/belliqueuse des élites à visions exponentielles, pourtant/même, parfois, au détour d’un regain de haine/rancoeur, on l’aperçoit au bout de nos doigts.


Il faudrait que nous le peignions dur, que nous le lavions crû, que nous hérissions son scalp, que nous le toilettions comme un caniche royal. Il faudrait que nous l’installions dans un salon humide, que nous l’entourions de champignons/semis, que nous placions deux néons de laboratoire, et que nous pratiquions la photosynthèse/parthénogénèse…

alors/donc de parasites/anomalies en rugosités/défauts, l’homme sans qualité deviendrait frère/nôtre et nous en serions tellement soulagés.
tellement.

 

© Milady Renoir

Art by Teun Hocks

4 commentaires

  1. En lisant votre texte, il me revint en mémoire ce poème du regretté Tahar Djaout, écrivain algérien assassiné au début des années 90.

    « Il y a toujours dans le groupe en marche (en fuite ?) un jeune homme à l’esprit délétère qui porte, en plus du poids du ciel affalé sur le désert, une peine supplémentaire- dans les couloirs de sa tête des milliers de battements d’ailes, des pâturages sans limites, des filles aux lèvres fruitières. Il connaît déjà la mer, la vastitude de l’eau dansante et l’écartèlement des rivages. Une solitude l’enveloppe, lui tisse une aura d’étrangeté, l’exclut de la caravane. C’est pourtant à lui de trouver l’eau, la parole qui revigore, c’est à lui de révéler le territoire- de l’inventer au besoin. C’est à lui de relater l’errance, de déjouer les pièges de l’aphasie, de tendre l’oreille aux chuchotements, de nommer les terres traversées.

    Il existe toujours un jeune homme porteur d’un fardeau immatériel qui pèse avec le poids de l’obsession. Il sait des terres plus heureuses où le vent insinue sa fraîcheur dans les cheveux, où les arbres gémissent de volupté, où des palombes ponctuent le ciel léger.Ses yeux sont inutiles. Il n’est que narines et oreilles. Des odeurs surtout l’étourdissent, lui parlent des bêtes et des arbres, nomment pour lui les saisons.Les couleurs, les roches ont leurs odeurs, le midi des plantes surchauffées ses émanations bestiales.

    Il existe un jeune homme dissipé mais qui guide (malgré lui ?) la caravane. Ses errances à lui sont sans remède, sans la récompense de la halte bue comme une bienfaisante gorgée d’eau. Ce qu’il sillonne, ce n’est pas le désert de sable et de pierres tranchantes, mais le désert périlleux de sa tête ; il ne recherche ni la verdure ni la source qui oriente les transhumances, ce qu’il recherche est blessant et inutile comme le vert trompeur des acacias- ce qu’il poursuit, c’est la courbe insistante des mouettes qui fardent la mer de leurs cris. »

    TAHAR DJAOUT (1954-1993), « L’invention du désert »

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  2. L’homme sans aspérité

    Il se lève et quitte avec difficulté sa posture fermée, et quand il se déplace avec lenteur, il reste confiné dans ce petit espace qu’il emmène partout avec lui, un rétrécissement, très lisse et sans accident. Il se dirige vers l’évier pour se servir un verre d’eau, mais il ne vous en proposera pas, parce que son rétrécissement est opaque. L’eau coule lentement, il scrute les éclaboussures et boit à petites gorgées. Ensuite il lave et rince le verre, puis lave et rince l’évier, puis essuie le verre, puis tord l’éponge et la repasse dans l’évier, puis il essuie l’évier, puis il essuie l’éponge et prépare le torchon pour la lessive. Il est temps de retourner s’asseoir. Il ne répond pas à votre dernière question parce que son rétrécissement est insonorisé. Nous sommes assis dans ce fauteuil qui épouse nos dos courbés, et nous avons peur de voir notre futur. Ainsi personne ne passera la main dans les cheveux de cet homme pour les ébouriffer, car son rétrécissement est trop dense et trop lisse.

    Nous repartons avec une légère nausée due à la pression. Nous parlons peu, et nous nous fuyons du regard. Nos parents sont nerveux. Ils nous grondent sans raison. Nous regardons par la fenêtre. Je rêve que ma vie est en mouvement. Pendant ce temps, l’homme se pend dans sa garde-robe.

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