j’étais heureuse.
enfin voir l’une des figures de proue du butō Ushio Amagatsu. Nous y allions. La compagnie de Sankai Juku se déplace rarement en Europe, et son fondateur approche un âge qui appelle au respect.
Lors de la réservation, le gentil jeune homme avait mentionné que le tarif 22€ (pas le moins cher) pourrait me permettre d’être au premier balcon ou au premier rang. Je demandai si la scène était haute. Il répondit que oui et que le premier balcon serait idéal. En fait, les places G14 & G16 sont à deux rangs du fin fond d’une salle proche de l’opéra de La Monnaie ou de la Bastille. Mauvaise piste.
Le butō est né dans les cabarets, dans les lieux miteux, confinés.
Evidemment, on se réjouit qu’en plus de 30 années, le mouvement se soit exporté, « vulgarisé », divulgué mais qu’un spectacle aussi codé (50% des gestuelles sont des mimiques des visages et des ondulations du corps parfois peu perceptibles) nécessitant une proximité, une confrontation s’offre dans un lieu qui mérite plus Hamlet ou la chevauchée des Walkyries (aussi design que soit le Concertgebouw de Bruges) qu’un rapport au corps intime et fugace.
Passerai-je sur le fait que les bons de culture offerts par la Communauté Flamande ne sont pas valides à Bruges? (alors que le même gentil jeune homme avait confirmé que oui). La culture flamande aurait donc aussi ses territoires?
Le spectacle en lui-même fût ennuyeux, (ici, mon avis dénué de toute objectivité, bien sûr), l’énoncé s’appuyait sur la très commode appellation « exposition médidative ». Suite à un accident tragique survenu à un membre de sa compagnie lors d’une performance à Seattle, Amagatsu délaisse la radicalité du butō pour se consacrer à une esthétique plus raffinée, à un « théâtre d’images ».
Ce butō appelle au mélange de pesanteur et de symbolique. Que Sankai Juku signifie « le studio de la montagne et de la mer » et que ses codes esthétiques soient éthérés, inspirés d’éléments naturels, tout cela me semble ravissant et prometteur mais ici la scénographie fût TELLEMENT inspirée de 2001 Space Odyssey (plusieurs monolithes noirs sur du sable, les danceurs poudrés craignent et tentent d’apprivoiser ces « divinités » ostentatoires, leurs mouvements jouent avec la soumission et l’attirance. Puis le cercle » de feu » métallique et son phallus cuivré au centre (du monde) qui monte et qui descend sur la scène pour rappeler l’ordre, la peur et la présence d’un au-delà. Et les mouvements ici employés rappellent trop rapidement ceux des chimpanzés, à l’aube de notre civilisation.
Le scénographie emporta donc ma virginité picturale au loin, puis quelques autres symboliques « fades », usées emportèrent mon intérêt avec elle.
Pour combler le tout, une simiesque reconnaissance fût jouée lors du salut des danseurs, lesquels perpétuaient encore des mouvements made in butoh… leur délicatesse, leur respect du temps qui vient de s’écouler doucement ont été brusquement violés par une possible programmatrice ou directrice artistique toute habillée de noir, guindée, au chignon sévère et luxueux aguichée d’un assistant trop grand pour elle. Ce fût donc le moment des remerciements. Le public applaudissait jusque là plutôt « calmement », docilement (il se peut que je projette, soit.) Et quand ce fût donc la remise des prix, un bouquet de lys très encombrant pour le « vieux » danseur à reconnaître et un lys pour chaque jeune danseur, le rituel reconnu provoqua instantanément un tôlé d’applaudissement, brouillant les cadences des danseurs bien embarrassés de ces fleurs cassantes. Le code de reconnaissance fût établi, tout le monde se sentit confortable pour effectuer une quelconque standing ovation. Les amis de l’opéra (les gens qui payent cher pour du Spectaculaire) et d’autres habitués du rituel furent donc comblés, « on avait vu un grand nom du bûto ».
Voilà donc une « école » bien différente (pour ne pas enfoncer la plaie dans le couteau) de Carlotta Ikeda, à moins que ce spectacle « Toki » ne soit pas révélateur et emblématique du reste de la production de la Cie Sakai Juku vu ce que certains amateurs avaient signalé ailleurs, avant et ce que j’avais aperçu dans les vidéos de la compagnie.
à suivre?
