Pénitence revient, pour un peu de meilleur et beaucoup de pire


pénitence II

Ce qui vous a été promis est arrivé subitement. Alors, astiquez vos battes, purgez vos distilles, car les couloirs de Bobrovec s’ouvrent une nouvelle fois à vous…

 » Bienvenue à Bobrovec, qu’ils disaient. Gaz, fumées, poisons, douraks et champignons. Sous les alcôves humides, les édiles locaux sirotaient une vilaine bière. Un vieux portail métallique barrait l’entrée des mines. Les entrailles hurlaient sous les coups de pioche. La maladie et la noirceur du minerai y dormaient dans le creux de gourbis infâmes. Des machines étranges glapissaient un message rédempteur dans les profondeurs des caves et des galeries. J’y étais.

L’heure était au négoce, chacun tentant de remplir son grenier, d’accroitre ses réserves d’eau ou de minerai. La sècheresse s’annonçant n’augurait rien de bon. Unies pour le pire et peut-être pour le meilleur, chacune des communautés disposait ses pions sur l’échiquier. J’étais peut-être l’un d’eux. J’étais là.

Une longue plainte feutrée hulule depuis trois longs mois dans les villages, les galeries, les cloaques et tout ce qui, de tôle ou de terre, abrite les humains des rayons du soleil. Cette plainte, tout le monde la connaît, tout le monde la supporte sans jamais pouvoir la domestiquer. La faim creuse le regard, puis liquéfie ce qui fait la dignité d’un homme. La barbarie des temps anciens gronde dans le ventre des affamés.

L’approvisionnement se tarit, la production chute. Manque de nourriture, manque d’eau, manque de bras. Tout est incandescent, tout brûle, les gorges sont calfatées de clous chauffés à blanc. Personne n’est à l’abri. Les communautés, unies il y a trois mois par la nécessité, se rétractent et s’enferment dans des querelles intestines. Là où le croyant voit un châtiment divin et redouble de ferveur, l’esprit rebelle se révolte contre une forme d’injustice, contre un système ou un pouvoir qui n’a pas su protéger la communauté des temps difficiles. La tension est continue. La suspicion s’installe, le rationnement maintient l’individu en état de faiblesse, les biens portant sont mal vus et sous le manteau, le marché noir fleurit. Sur les collines de Bobrovec, un gibet exhibe des ossements blanchis par la vermine et le soleil.

L’austérité règne, chacun chasse le superflu, bridant les rares libertés que la discipline communautaire autorisait encore. Le corps surveille l’individu, et tranche l’organe lui paraissant vicié par l’égoïsme ou l’intérêt personnel. Outre la faim, la maladie frappe les plus faibles. Les plaies anciennes rôdent dans les esprits. La folie de certains nourrit le vent fétide des rumeurs. Cannibalisme, superstitions, ennemis invisibles s’imposent aux esprits simples et fatigués.

Une machine du Temple Solaire parle dans l’obscurité, un homme répète un message d’une voix crevant les ténèbres. Forte, dure, imperturbable. Transcendante. Dieu reconnaîtra les siens. »

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