TOUT CONTACT LAISSE UNE TRACE, un film autour de la colonialité de l’espace public !
Avant-première au sein d’une des occupations de la Voix des sans papiers de Bruxelles : rue de Livourne 80 A -1050, le 05 juillet 2024 à 18H01 – D’autres projections à venir.
Avec la participation de Taslim Mamadou Diallo et Modou Ndiaye (VSP Bruxelles), Bah Mamadou Moussa (VSP Saint Josse), Disasi-Aurélie-Aru Lee, Jean Benoit Bokoli “microMéga le Verbivore”, Faiza Hirach (Samidoun Brussels), Lucas Catherine, Mémoire coloniale et lutte contre les discriminations, Baladio, Fatima et Studio Baraka.
Infos pratiques : Vendredi 5 juillet – Accueil à partir de 18h00 (il y aura des petites choses à déguster !) – Projection à 19h00
A l’Occupation VSP Defacqz, rue de Livourne 80A, 1000 Bruxelles – Evènement FB ici.
Cette projection sera suivie d’une rencontre avec les personnes qui ont participé à la fabrication de ce film.
Plus d’infos : sarah@zintv.org
De la décolonisation de l’espace public, on dit que c’est une mode, que ce n’est pas une priorité, que c’est une “violence inversée”, ou ressasser le passé. Le sens unique de l’Histoire revêt encore le costume du déni et chaque geste microscopique consenti par les instances d’État est considéré comme une faveur. De quelle hypocrisie, de quelle mémoire, de quelles morts parlent les statues, chantent les rues ? Ce film composite puise dans des récits fragmentés, des parcours de personnes non-blanches, afro-descendantes et africaines et retrace la colonialité topographique et symbolique de la Capitale de l’Europe, de Gaza jusqu’à Goma. Tout contact laisse une trace place le discours face aux voix, remplace les slogans par des corps agissant et déboulonne une statuaire mensongère.
Ce film, produit par ZIN TV, a été réalisé par Nizar Saleh Mohammed Ali et est le fruit d’une écriture collective menée par Milady Renoir avec le Collectif Mémoire coloniale et lutte contre les discriminations, Jean Illi et Solina Diallo, chercheur·es à l’ULB, Taslim Mamadou Diallo de la Voix des sans papiers de Bruxelles, Sarah Bahja, Valentin Fayet et Thomas Michel de ZIN TV.
Quelques points d’intention:
Nous, en conversation entre collectifs témoins et acteurices des luttes antiracistes, nous étions bien d’accord que la décolonisation de l’espace public serait le sujet du documentaire. Décolonisation… Ce terme assis à côté de woke, islamo-gauchistes et autres quolibets depuis la bouche de l’Empire et sa décadence, serait abusif pour certains, galvaudé ou capitalisé pour d’autres.
Au fur et à mesure des ateliers d’écriture collectif d’un groupe composé de personnes africaines, afro-descendantes, artistes, chercheuses, militantes et documentaristes, sans et avec papiers, ce terme nous a échappé, à moins que nous y ayons ‘volontairement’ échappé – Pas par coquetterie ou posture, mais par déception et colère. Afin de ne pas servir la soupe aux quelques instances d’Etat qui se pavaneraient d’un processus dont elles ne s’emparent, en réalité, pas, nous avons favorisé le terme COLONIALITÉ, principe actif qui relie le passé au présent.
Décoloniser est un verbe, un verbe d’action.
“Les usages du concept de décolonialité et les appels à la décolonisation se sont largement répandus ces dernières années. Une recherche sommaire sur Google nous présente un large éventail d’ateliers, d’éditos, de livres et de conférences concernant un grand nombre de disciplines et de sujets : il faut, nous dit-on, décoloniser la loi et le design, décoloniser le tourisme et la mode, les musées et les universités, l’esprit, les corps, les savoirs, les représentations. L’éventail est si large que l’enquête serait bien fastidieuse si elle devait rendre compte des significations des mots « décolonisation » et « décolonialité » dans des contextes, des disciplines, des pays, des langues et des projets aussi divers. “
Nous avons alors réengagé le temps du constat, en y ralliant la puissance des résistances et ripostes, de l’analyse située depuis les personnes qui sont traversées par les violences coloniales (néo-, post-, ..etc.). “La colonialité est la face sombre de la modernité occidentale, il n’y a pas de modernité sans colonialité. Une conséquence de ce concept : puisque la colonialité est partout, il faut que la décolonialité soit, elle aussi, partout. La décolonialité se réfère à une grammaire commune à toutes les revendications et à tous les projets de décolonisation, même si elle reconnaît les histoires locales distinctes où ces projets et où ces revendications ont émergé.
Là où la logique de la colonialité est universelle, la grammaire de la décolonialité est pluriverselle. Elle se réfère à un ensemble de pratiques décoloniales de la pensée et de l’action qui visent à nous « déconnecter » des modèles globaux par lesquels la modernité occidentale prétend homogénéiser les vies des personnes qui habitent sur cette planète. La pensée décoloniale a émergé ailleurs que dans les pays de l’Atlantique Nord, mais elle fait maintenant retour, comme un boomerang, dans les anciens États impériaux, monarchies ou États-nations laïcs. “
L’adage des années 1980 est plus que jamais à l’ordre du jour : « Nous sommes ici parce que vous étiez là-bas ». Anibal Quijano désigne ainsi “les manières occidentales de connaître et de savoir qui, revendiquant l’universalité dans toutes les disciplines majeures, en particulier théologiques, scientifiques, philosophiques et esthétiques, mettent simultanément la main sur les plus importantes institutions de légitimation de ces revendications, nommément : l’Église, l’Université, le Musée, et les langues impériales européennes (l’italien, l’espagnol, le portugais, le français, l’allemand et l’anglais) ancrées dans le grec et le latin. (…) Mais cette période arrive à son terme. Nous, qui vivons sur cette planète aujourd’hui, faisons l’expérience d’un changement d’ère, qui ne se confond en rien avec « l’ère des changements » précédente et qu’annonçait la multiplication des préfixes en « post- ». Les signes sont multiples de la nouvelle ère dans laquelle nous entrons.”
Tout contact laisse une trace est un film modeste et fier qui tente de s’inscrire au sein de mille autres mosaïques de répliques, allant de la dénonciation à l’élaboration, de la reformulation à la spéculation. Nous avons tenté de dessiner une géopolitique alternative du savoir, des savoirs, du sentir et des croyances en riposte au devoir de mémoire hégémonique et totalitaire, vers une modification salutaire de la statuaire, du marbre et du plomb aux gorges et aux poings.Extraits d’articles de Michelle K. et Walter D. Mignolo sur la colonialité / modernité.
