| Nordine Saïdi | sam. 28 sept. 22:02 (il y a 16 heures) | ![]() ![]() ![]() | |
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Alors que les bombes pleuvent sur Gaza, que des enfants sont massacrés, que des familles entières sont rayées de la carte sous le silence complice des puissances occidentales, une carte blanche parue dans *La Libre* intitulée « Juifs et Musulmans unis contre les amalgames » se veut rassembleuse, prônant l’unité et le rejet des amalgames entre deux communautés religieuses souvent opposées dans l’imaginaire public. Une telle démarche pourrait sembler noble, mais elle révèle surtout une profonde incompréhension des réalités politiques contemporaines, notamment pour les Palestiniens. Ce texte, loin d’apporter une réponse à la violence qui s’abat sur Gaza, dilue les luttes spécifiques dans un faux universalisme abstrait qui rend toute résistance illisible.
Cette carte blanche fait l’impasse sur l’urgence absolue : le génocide en cour à Gaza, la colonisation violente de la Palestine et les massacres commis par l’État d’Israël sur la population civile de Gaza. Ne pas mentionner cette réalité, c’est ignorer le fait colonial, c’est taire l’horreur d’un apartheid militaire qui ne cesse d’étouffer la vie palestinienne. Alors que les bombardements s’intensifient, que les hôpitaux manquent de tout, cette omission n’est pas anodine. Elle constitue une complicité passive avec les forces coloniales qui détruisent méthodiquement toute perspective de vie en Palestine. Ce silence est coupable.
En mettant sur un pied d’égalité « Juifs » et « Musulmans » dans une logique de réconciliation abstraite, les auteurs de cette carte blanche effacent les rapports de pouvoir profondément ancrés dans la réalité coloniale. On ne peut pas mettre sur le même plan des communautés juives, souvent protégées et soutenues par les États occidentaux, et les populations musulmanes, notamment arabes et palestiniennes, qui sont la cible de politiques impérialistes, islamophobes et répressives. Dans le contexte européen, cette symétrie efface l’islamophobie structurelle qui gangrène nos sociétés et qui trouve ses racines dans les politiques coloniales et impérialistes. Où est la dénonciation de ces violences ? Elle est absente.
Cette carte blanche échoue à aborder l’islamophobie omniprésente, en Belgique et en Europe, qui continue de marginaliser, persécuter, et criminaliser les musulmans, surtout lorsqu’ils sont d’origine arabe. De l’islamophobie institutionnalisée à travers les lois dites « anti-terroristes » ou sécuritaires, jusqu’à la stigmatisation constante dans les médias, les musulmans sont pris pour cible dans un système qui les déshumanise. En évitant cette question cruciale, les auteurs de cette carte blanche ne font que renforcer cette marginalisation, préférant focaliser l’attention sur un prétendu dialogue interculturel aseptisé.
Cette fausse unité prônée, en décontextualisant les oppressions et en évitant de nommer les responsables, est un piège de l’universalisme abstrait. L’universalisme que nous devons revendiquer est celui qui prend position, qui refuse les faux consensus et les dialogues vides, et qui soutient les luttes des opprimés. Se positionner contre les « amalgames » tout en refusant de pointer du doigt les vrais responsables de la violence d’État, notamment en Palestine, revient à diluer les luttes dans un faux apaisement. Cet universalisme dépolitisé, qui nie la violence du système impérialiste et colonial, ne peut servir qu’à maintenir le statu quo.
Finalement, cette carte blanche semble avant tout servir la promotion de ses auteurs, qui adoptent une posture de « médiateurs » désireux d’apaiser les tensions, tout en évitant soigneusement de remettre en cause les structures de pouvoir en place. Cette démarche est symptomatique d’un antiracisme de façade qui se veut consensuel, apaisé, mais qui ne sert en réalité qu’à renforcer la position de ceux qui occupent déjà des espaces médiatiques et politiques. Pour les Palestiniens, pour les musulmans stigmatisés, pour les victimes du racisme d’État, cette carte blanche ne propose rien, si ce n’est un faux espoir d’unité sans combat.
La résistance palestinienne, comme toute résistance à l’oppression, n’a pas besoin de discours vides de sens. Elle a besoin de soutiens inconditionnels qui refusent la neutralité face à l’injustice. Se tenir aux côtés des Palestiniens, c’est refuser de se perdre dans des discussions consensuelles qui ne font que gagner du temps pour les oppresseurs. Il est urgent de reconnaître la légitimité de la résistance anticoloniale et de dénoncer sans réserve le sionisme comme une idéologie suprémaciste et génocidaire. Soutenir la résistance, refuser la neutralité. Ce n’est qu’en étant fermement du côté de la justice que nous pourrons espérer un changement réel.
Ainsi, cette carte blanche, malgré ses prétentions, échoue à défendre les intérêts des opprimés, en Palestine comme ailleurs. Pire encore, elle rend service aux puissances impérialistes en dépolitisant les luttes, en invisibilisant les rapports de pouvoir, et en promouvant un discours creux. En tant que militant décolonial, je refuse ce faux dialogue et j’appelle à une solidarité active, radicale et sans compromis avec la résistance palestinienne.
Saïdi Nordine
———- Forwarded message ———
De : Fouad Benyekhlef <benyekhlef.fouad@gmail.com>
Date: sam. 28 sept. 2024, 12:34
Subject: Carte Blanche: Juifs et musulmans : unis contre les amalgames
To:
Madame,
Monsieur,
J’ai eu l’honneur de cosigner ce texte aux côtés de personnes qui, dans l’obscurité ambiante, restent pour moi des phares éclairant ma réflexion personnelle.
Le conflit au Proche-Orient et les images qui nous parviennent nous touchent profondément, que les victimes soient israéliennes ou palestiniennes.
Dans ce malheur, certains ajoutent à la souffrance en dressant les uns contre les autres des composantes de notre société. Dans ce malheur, d’autres, mus par la haine, se rendent coupables d’actes ignobles d’antisémitisme. Et dans ce malheur, certains s’abandonnent à la bassesse, usant de récuparations politiques indignes, dépassant toute mesure pour plonger dans l’ignominie.
Non, il ne peut y avoir de soutien sincère à la cause palestinienne sans mener de front un combat intransigeant contre l’antisémitisme. Non, il n’y a pas de solidarité véritable si l’on ose accuser, même de manière détournée, la communauté juive de Belgique d’une responsabilité qui n’est pas la sienne. Non, il n’est pas cohérent de prôner la paix alors que certains de nos concitoyens vivent dans l’inquiétude, ébranlés par l’injustice et l’intolérance.
Merci à Déborah Gol, Guy Wolf et Saaddine Ezzammouri.
Bien à vous,
Fouad Benyekhlef

