Univeracialisme – discrétion… lâcheté nationale

Mort de Fabian : vers un hommage plus discret qu’une stèle, dans le Parc Elisabeth

Fabian n’a pas « trouvé » la mort, la police l’injecte dans les corps en intraveineuse.

Réponse de Bruxelles Panthères :

« Comment voulez-vous qu’on respecte cette écologie ? Quand elle protège plus la neutralité des parcs que la mémoire des enfants tués par la police ?

Alors que la famille de Fabian, ce jeune garçon tué suite a une course-poursuite policière à Ganshoren, souhaitait une stèle commémorative dans le parc Elisabeth, Bruxelles Environnement, soutenue par le ministre Alain Maron (Ecolo), a refusé, “Notre institution doit veiller à préserver la fonction universelle et neutre des espaces verts. Nous privilégions des formes d’hommage discret et symbolique, comme la plantation d’un arbre, permettant le deuil tout en respectant la neutralité d’un lieu qui appartient à tous“.

Refusé, au nom de la “neutralité” des espaces verts.
Refusé, au nom de la “fonction universelle” du parc.
Refusé, comme si la mémoire d’un enfant tué par la police risquait de “polluer” la verdure publique.

Voilà donc à quoi ressemble l’écologie institutionnelle : une écologie sans mémoire, sans courage, sans politique. Une écologie aseptisée, vidée de toute substance humaine, qui préfère préserver la neutralité des arbres plutôt que la dignité des morts.

Une écologie blanche, moraliste, sans mémoire.

Comment voulez-vous qu’on respecte cette écologie, quand elle s’érige en gardienne d’une “neutralité” qui n’est rien d’autre que le masque du racisme d’Etat ?
Quand on préfère un arbre “symbolique”,  planté discrètement, sans nom, sans mot, sans vérité,  à une stèle portant l’inscription : “Fabian, tué à la suite d’une intervention policière” ?

Cette “écologie neutre”, c’est l’expression la plus parfaite du colonialisme moral belge : celui qui transforme chaque crime d’État en rituel du silence.
On parle de biodiversité, mais on efface la diversité des vies détruites.
On parle de durabilité, mais on refuse de durer dans la mémoire.
On parle d’universalisme, mais on n’écoute que la douleur blanche.

Les morts racialisés des quartiers populaires, eux, ne polluent pas l’air : ils dérangent la bonne conscience.
Et quand la famille demande une stèle, on lui offre un arbre.
Un arbre “discret”, comme le dit Bruxelles Environnement, “symbolique” — c’est-à-dire invisible.
Parce que dans cette écologie-là, le vivant compte, mais seulement quand il ne parle pas de mort.

La neutralité : ce mot qui tue deux fois.

Il faut le dire clairement : la “neutralité” invoquée par Alain Maron et Bruxelles Environnement est un principe raciste déguisé.
Car cette prétendue neutralité n’existe que pour faire taire les dominés.
Elle ne s’applique jamais quand il s’agit d’honorer des figures blanches, des soldats coloniaux, des bourgmestres, des héros belges dont les statues et plaques jalonnent chaque parc, chaque rue, chaque place publique de ce pays.

Où est la neutralité quand on croise encore dans nos espaces publics les bustes de Léopold II, le roi criminel responsable de millions de morts congolais ?
Où est la neutralité quand des avenues portent encore les noms de colonisateurs, de militaires, de missionnaires, de racistes notoires ?
Mais lorsqu’un enfant meurt, poursuivi par la police, là, tout à coup, on découvre la vertu de la neutralité.

C’est donc cela, la Belgique :
— un pays où les statues des bourreaux sont éternelles,
— et où les victimes des institutions doivent se contenter d’un arbre “discret”.

L’écologie sans justice : la nature contre la mémoire.

Ce refus n’est pas anecdotique. Il dit quelque chose de profond : l’écologie officielle belge est au mieux dépolitisée, au pire raciste.
Elle parle de nature, mais refuse de parler de pouvoir.
Elle parle de climat, mais tait le colonialisme.
Elle parle de durabilité, mais nie la violence structurelle qui détruit les vies racialisées au quotidien.

Ce refus d’une stèle, c’est une écologie moralement stérile.
Elle ne veut pas d’un monument, parce qu’un monument, c’est un rappel permanent du crime.
Parce qu’un monument oblige à dire : “Ici, la police a tué.”
Et ce simple énoncé met en crise le mythe de la Belgique démocratique et humaniste.

Alors, on choisit un arbre. Un arbre, c’est muet.
Un arbre ne dit pas “justice”.
Un arbre ne dérange pas les joggeurs, les familles, les élus.
Un arbre, ça pousse tranquillement, pendant que l’injustice continue.

“Préserver la neutralité des parcs” : ou comment blanchir la mort.

Préserver la neutralité d’un parc, disent-ils.
Mais de quelle neutralité parle-t-on dans un pays où la police tue des jeunes Arabes, Noirs, Rroms, Migrants, Sans Papiers et où la justice blanchit systématiquement les auteurs ?
De quelle neutralité parle-t-on quand la neutralité elle-même devient une idéologie de blanchiment ?

L’écologie de Maron n’est pas verte, elle est blanche.
Elle ne protège pas la nature, elle protège le confort politique de ceux qui refusent de nommer la violence d’État.
C’est une écologie de vitrine, bonne pour les campagnes électorales, incapable de reconnaître que la justice environnementale et la justice sociale sont indissociables.

Car il n’y a pas de justice climatique sans justice raciale.
Les mêmes institutions qui détruisent la planète détruisent les corps racialisés.
Les mêmes logiques qui bétonnent les sols bétonnent les consciences.
Les mêmes pouvoirs qui criminalisent les activistes écologistes criminalisent les corps Noirs, Arabes, Rroms, Migrants, Sans Papiers, Musulmans.

Un arbre à la place d’une stèle : effacer la mort sous prétexte de vie.

Ce qu’on appelle “hommage symbolique” est en réalité une stratégie d’effacement.
C’est la mise en scène de la compassion sans la vérité.
C’est la domestication du deuil.

Un arbre, c’est commode. Ça ne dit pas pourquoi Fabian est mort.
Ça ne dit pas que la police l’a poursuivi, harcelé, traqué.
Ça ne dit pas que cette mort n’est pas un accident, mais le résultat d’une politique sécuritaire, raciale, et institutionnelle.

Un arbre “pour tous”, disent-ils.
Mais la violence d’État, elle, n’est pas “pour tous”.
Elle vise des corps précis, des territoires précis, des jeunesses précises.
Et tant qu’on ne nomme pas cela, on ne parle pas de justice, on parle d’oubli.

Fabian, et tous les autres.

Fabian, c’est le nom qu’ils veulent effacer.
Comme ils ont effacé celui d’Adil, d’Ibrahima, de Mehdi, de Lamine, de Mawda, de Sabrina…
Chaque fois, c’est la même séquence :
la mort, le choc, la récupération symbolique, la plaque sans mot, la stèle refusée, et enfin, le non-lieu.

C’est un rituel de domination qui se rejoue à chaque génération :
effacer les morts pour préserver la paix des vivants.

Mais cette paix-là n’est pas la nôtre.
C’est une paix de façade, une paix coloniale, une paix d’institutions qui se réconcilient avec elles-mêmes pendant que les familles s’effondrent.

Justice d’abord, écologie ensuite.

Ce refus de stèle dit tout de la hiérarchie morale de ce pays :
la pierre d’un enfant vaut moins que la pelouse d’un parc.
Le nom d’une victime vaut moins que la neutralité d’un banc.
La mémoire des Noirs, Arabes, Rroms, Migrants, Sans Papiers, Musulmans, vaut moins que la tranquillité visuelle des promeneurs.

Comment voulez-vous qu’on respecte cette écologie-là ?
Cette écologie qui refuse d’affronter le réel, qui camoufle la violence derrière les arbres et les fleurs, qui confond silence et apaisement.
Nous ne pouvons pas la respecter, parce qu’elle ne nous respecte pas.

Tant que la Belgique préférera planter des arbres pour enterrer les vérités,
tant qu’elle camouflera ses crimes sous la verdure,
tant qu’elle exigera la neutralité face au racisme d’État,
nous n’aurons pas d’écologie digne, ni de justice, ni de paix. »

 » même si Fabian n’est pas Noir ni Arabe, il appartient à cette classe d’enfants exposés : enfants des rues, enfants pauvres, enfants de familles migrantes. Des enfants que l’on surveille, que l’on contrôle, que l’on suspecte parfois. Sa mort ne contredit pas les analyses antiracistes des violences policières — elle les confirme.  »

 » Nous, Bruxelles Panthères, avons toujours parlé de Noirs, d’Arabes, de Rroms – et, de manière plus large, des populations issues de l’Est de l’Europe – comme étant les cibles structurelles d’un racisme d’État.
Ce n’est pas un hasard si la police a poursuivi un enfant dans un parc, à cette vitesse, avec une telle brutalité. Ce n’est pas la trottinette qui a déclenché la violence, c’est ce qu’ils ont perçu de ce corps sur la trottinette, dans ce quartier.

Fabian, dans leurs yeux, dans leurs réflexes, dans leurs formations, dans leurs algorithmes racistes intégrés, ce n’était pas un enfant, c’était un petit Arabe ou un Rrom ?
Et donc : pas tout à fait un enfant. Pas tout à fait innocent. Pas tout à fait humain. De la mauvaise graine.

La question raciale ici se complique. Dans l’espace public, Fabian est immédiatement perçu comme un enfant blanc. Il s’appelle Fabian, il a 11 ans, il est sur une trottinette. Pourtant, pour beaucoup de militant·es de terrain, pour les collectifs antiracistes à Bruxelles, il est probable que les policiers l’aient perçu comme un « petit Arabe » ou Rrom. Parce que son origine moldave — et plus largement son origine de l’Europe de l’Est — le place dans une zone grise : il n’est pas un « bon blanc », il est un blanc périphérique, un blanc suspect, un blanc pauvre.

Les jeunes de l’Est perçus comme arabes ou assimilés à eux ne sont pas moins exposés au racisme d’État — ils partagent la rue de mêmes quartiers avec les autres enfants racialisés, en subissent les mêmes contrôles, et parfois, les mêmes morts. Le traitement de la famille de Fabian par la police après sa mort — menaces, perquisitions, mise sous pression — est une preuve de cette racialisation négative.  »

https://bruxelles-panthere.thefreecat.org/?p=6363

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