« L’école de la chair » de Mishima – extrait

Extrait de « L’école de la chair » de Yukio Mishima, livre de mes matins de ce pourri mois de mai.

 

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« Imaginons par exemple une femme qui impose ses quatre volontés à l’homme qu’elle aime, qui ne lui laisse pas la moindre liberté, des premiers baisers du soir jusqu’à leur séparation matinale, supposons que cette femme dirige tous leurs rapports, eh bien, l’honneur viril de cet homme en sortira grandi. Il n’y a aucune raison en tout cas pour qu’il s’en trouve féminisé. C’est que la force qui permet à une telle femme d’adopter une conduite aussi peu réservée n’est autre que le magnétisme viril qui se dégage de son partenaire. La plupart des jeunes gens qu’avait alors fréquentés Taéko (l’héroïne) faisaient montre sur ce point d’une « vanité masculine » superficielle et idiote. Ils conservaient dans leur esprit des idées toutes faites bien curieuses « : c’étaient eux les chefs, et ils devaient dominer les femmes comme le ciel la terre. Sinon, du moins le pensaient-ils, ils n’étaient pas des hommes. Et, pour eux, avoir une femme au dessus d’eux était déjà une position honteusement féminine. Y a-t-il préjugé plus bête que celui-là ? un homme véritable, une homme absolument homme de la tête aux pieds, qu’il soit debout ou assis, qu’il se mette au-dessus ou au-dessous, ou à l’envers, qu’il se renverse dans toutes les positions possibles, n’en est-il pas toujours plus homme dans la splendeur de sa virilité ? Prenons l’exemple d’un homme, qui, parmi ceux qui attachent tant d’importance à leur virilité banale et fonctionnelle, aurait le triste malheur d’être sans le moindre charme sexuel. Qu’il essaye donc d’imposer ses comportements virils à une femme qui, dans le fond de son cœur, le déteste : cela n’aurait aucun sens ! Pour un homme, pour une femme, la virilité, la féminité, expression charnelle des êtres humains, dépendent de la sexualité globale qui rayonne de leur chair et doit naître de l’éclat de la personnalité toute entière. Cela n’a rien à voir avec cette virilité de fanfaron fondée sur un fonctionnalisme étroit. Vivre, exister d’une existence pleine et entière, cela suffit à un homme vraiment homme dans toute sa chair : quoi qu’il puisse faire, un homme de cette trempe reste toujours un homme. Celui qui ne tire aucune vanité sexuelle de lui-même.

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pages 110 & 111 (@ FOLIO)

 

Société japonaise des années 60 uniquement ? Communauté de modernité économique et de conservatisme moral ?

En tout cas, une sacrée réponse à cent vingt sept possibles questions sur la virilité que certains hommes se posent ou imposent …

Et une petite réponse indirecte à la question d’hier soir composée par « mon » homme à propos de la différence entre la beauté et la puissance virile… à bon lecteur… ~°~