Décompositeur

Partisan de la fougue, il emporte sa langue, la trempe dans l’eau de la valve aspirante. La cadence impose une succion sans hâte. Il entre, sort la tranche pleine en vrillant les charnières du palais. Les petits os nacrés, taillés en becs frappent les uns contre les autres. Le clapotis de l’écume ramollit les morceaux de chair. Chaque fragment devient onguent.

 

Les particules de vie s’estompent, s’évaporent, puis se collent contre les bords du tuyau. Il racle ensuite les contours avec l’ongle, perce là une coque de lymphe, avale le jaune nervuré, mêlé au blanc ondulant. Le pigment carmin se désincarne. Les orbites se retournent sur leur axe déjanté. Les racines oculaires dévient, s’enroulent autour des duvets. Il observe-bande.

Chaque fil de vie se tord sous la puissance du cuir rétrécissant. La plante du front ternit, les eaux s’écoulent par l’entonnoir de la gorge.

 

                               – elle était belle.

 

Vivante.

 

Il pince le sel qui éjacule des pores, goûte la plénitude. Il enveloppe le Tout de sperme soyeux, tricote le cocon avec soins et suaires. Petit diamantaire lèche son caillou brut… il poncera les coins, biseautera les embouchures, simulera quelques ouvertures, décuplera les bouches, collera les phalanges entre elles. Créateur, novateur. Il doublera le fond de son sexe avec de la pâte rêche et y logera ces doigts, son membre supérieur et ses rêves.

Il dessine le puzzle gigantesque dans ses idées, un jour, Shiva étendue sur le sol, un autre, Gaïa planisphère lumière, ou encore, une rivière d’Ondine à braiser.

Il place les pièces sous le néon, compte les points blancs germant sous chaque crin brûlé. Il caresse l’horizontale à l’envers, il appuie, souffle sa glace sur la surface, observe-bande.

 

La première mouche étale ses pattes contre la glaire rouge, elle pompe l’odeur âcre du dépassement, le fer l’enivre. Il la saisit promptement, aisément, chastement. La mouche est alourdie de son butin, regorgeant de son dernier festin.

Il la colle au dessus d’une flammèche d’allumette, puis la dépose délicatement sur sa langue vigoureuse et croque les ailes et les yeux. L’insecte noir crépite, grésille, gît.

 

Tout est mouche dans le fond de ses yeux.

Il ressent la force de la liberté de la vie, il aime leurs vies, surtout quand elles lui appartiennent. Il regarde ses devoirs à faire, examine l’ampleur, observe-bande.

 

 

 

© Milady Renoir

Art by the Greatest MadMeg