(homme d’un bus – Aurore d’août – Bruxelles, sur la route)
cet homme là, pleurait.
(pire qu’un Smeagol quand Gollum le martyrise avec sa précieuse)
cet homme là, pleurait, vide sans sa compagne en bouteille
‘une pièce’ pour boire ou une pièce pour manger
il voulait une pièce
alors
je lui ai donné un jeton d’argent, rond et précieux
il voulait une cigarette
je ne fume plus depuis 13 ans
il a pris le sou,
lard pour un cochon, dirait-on
il pleurait
il a dit merci mademoiselle
j’ai dit de rien (ben tiens)
mais
il ne me regardait pas
il ne regarde plus personne (pas même lui-même)
il regardait ailleurs
ailleurs ne veut pas de lui non plus
cet homme là, je vous dis, cet homme là, pleurait
une fois assis dans le bus, devant moi,
je me suis rapprochée, doucement
j’ai senti ses cheveux recollés,
observé son cou dégarni, rouge
homme coq sur une montagne maléfique
j’ai observé ses oreilles décollées
et senti encore
le gel pas cher
l’alcool pas cher
la vie pas chère
ce parfum de l’indigence, posté sous mon nez
je le reconnais, il est partout,
Bruxelles la belle recèle de ces gens-là
Partout, ils vivent ou meurent,
Tout le monde les voit pleurer
Tout le monde ou presque
Et la morale de cette histoire n’existe pas
et moi
moi, je sortais d’une fête,
toute la nuit, certains avaient ri, d’autres pas
mais aucun ne pleurait comme lui
les gens y ont bu, d’autres y ont fumé, d’autres s’y sont angoissé
à cette soirée
mais rien d’aussi triste
enfin, c’est moi qui dit ça
et c’est lui qui pleurait
lui, je crois qu’il boit sans pouvoir dire qu’il boit
avant de sortir à son arrêt
rejoindre qui sait qui, qui sait quoi
il a ajusté son foulard bordeaux autour de son cou
très assurément, élégamment,
il a jeté un regard vers moi, sans me fixer
je lui ai souri, je crois
à travers la vitre
il pleurait encore, je crois
mais, du moins, plus dans ses yeux.
Et moi, je ne sais plus si j’ai déjà pleuré comme ça
il n’y a pas grand chose à dire après un si joli texte
vous me touchez beaucoup…
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frissons…
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très sensible
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