Matin Chagrin

 

Octobre 06 066

 

Parti vers un hiver moins froid, le grand-père, qui m’a appris à reconnaître le charme du hêtre ou l’apion de la lucane ou le cèpe du bolet ou du tuyau d’arrosage de l’aspic ou le loir de la martre ou le rire taquin du regard vengeur, celui-là, est mort.

 

Tombé du lit, dans le pipi, tombé du lit pour toucher la terre.

 

Réparateur

de fusils qui tuent des lapins des matins,

de cannes à pêches pour gardons frétillants,

de scies à bois mort,

de motoculteurs à charrue vrillée,

de bols en chocolat chaud,

de journées grises en campagne,

d’orgues électroniques Bon tant pis,

de mini chaîne hifi d’adolescente fébrile,

d’accordéons de strass chromatiques…

 

Tombé du lit, dans l’oubli, tombé du lit pour retrouver les racines.

 

Ce grand-père reposera dans les cendres, lundi, 

nous déposerons les traces de ce patriarche paysan au coeur de son jardin entretenu jusqu’au bout, entre les fleurs (cosmos, gueule-de-loup, roses trémières, passiflores, nids de passereaux) pour ma grand mère et les radis, les fraises, les Reine Claude pour moi. Son terrain, dernier vestige d’un autre siècle.

 

Mon grand-père crapaud sauteur coq joueur est parti le premier, le meilleur, le plus droit. Le lapin de garenne n’attend pas la tortue.

 

Sur la tombe de ses parents, (mes arrière-grand-parents) jonchent des fleurs de marbre, des messages en plastique, des gravillons colorés.

Lui, il préférera brûler, couler dans la friche et le mâchefer, nourrir et rendre l’essence à Celle qui l’a créé. Lui, l’enfant du sol et du territoire, emporte avec lui le radeau de mon enfance.

 

De l’amour, (un amour de petite fille émerveillée, éloignée, préférée), je vais t’en balancer dans la tronche, mon grand-père, que tu sauras plus comment de dépétrer.