Fiction d’altitude

atelier japon OTOMO KATSUHIRO Hansel & GretelEnfant colosse a cassé sa planète. Il voulait jouer avec les nébuleuses, pourtant personne ne joue quand les autres mesurent. Les choses punissent facilement quand on les confronte.

Alors, pour le frapper, le punir, elles l’enterrent.

Coincé, son pied dans le sol trop clos. Faille ogresse a saisi les orteils, puis la cheville. Terre mange ses pieds kilomètres.

Docile et serviable, montagne fait bouée, faux frère faux pilier, elle gonfle vers le haut, soude par le bas, tout pour que enfant glisse vers les eaux blanches. Mer se lève, debout au dessus des foyers. Elle gronde, elle mugit, elle se déploie.

Les hommes, ahuris, penauds, larguent des amarres, délivrent quelques fleuves coincés, creusent des rigoles, le sol devrait se calmer. Sinon, eux aussi plongeraient.

Rien n’échappe à la matière molle, noble, généreuse. Mer avale à son tour, elle se venge d’eux et de plus.

Elle déstabilise enfant, le renverse, lui déchire les jambes.

Les arbres poussent encore, leurs racines enserrent ses membres aplatis, avachis. Les branches tricotent un plancher d’épines, l’enfant s’enfonce.

Tout souffre. Lui s’enlise sans hurler.

La ville rit au loin, soulagée d’exister sans compter d’anomalie, elle si pure, si verticale, ne veut pas d’un enfant démesuré aux bras et bouche ouverts, de ce jeune chantre au futur barbouillé, de ce potentiel conciliateur.

Les normes, les centres de lois, les justifications, tous s’emmêlent et l’enfoncent.

Le corps blanc toujours si grand crève enfin. Les organes rabougris, les formes pénitentes, les vibrations humiliées, ce petit tout s’étale, s’écrase sur son petit monde contrit, entortillé sur lui-même.

Montagne et horizon se touchent les doigts, se congratulent. Seuls les astres possèdent encore la raison omnisciente de l’innocence, pour quelques temps limités encore.

Le monde a sabordé enfant, lui et ses fictions d’altitude.

C’est le dernier qui est né qui  périra le premier.

 

© Milady Renoir – Juillet 07 – Texte écrit pendant l’atelier Milady

Illustration by Katsuhiro OTOMO