y aura les sens en l’air, les démons dans les talus, les chevreuils allongés par terre, on ira tirer le plantain du sol, nourrir le maki avec des ‘cahuètes, cirer nos chaussures avec de la boue, chaude, crever les vesses de loup sèches et rire de leur odeur putride, choisir le point cardinal en suivant des antennes de lucanes, faire un pont de bois sur un ru luisant, détacher les lins blancs d’un fil de pêche, regarder la tanche s’engourdir en automne, écraser des baies grasses contre nos joues, croiser nos doigts comme des ciseaux sur les pierres, on aura le ventre rempli de blé, l’estomac gorgé d’eaux couardes, on aura le vent glissant entre les cuisses, la pluie caressant notre salive, ce sera chaud, froid, court, long, doux, rude, comme dans un film qui dure vingt huit heures, comme dans une image exponentielle sortie d’un oeil fier, ce ne sera pas comme avant, ce sera comme demain, avec nos cheveux en chien de fusil, nos bouches en becs de lièvres, pour rire, pour rire, nos yeux ronds comme des cloaques verts, nos oreilles comme des nids d’orvets, ah pour sûr, y aura du fer dans les veines, de l’oxygène dans les ventricules, je jure que si tu viens, comme tu viens déjà, on va vivre des temps longs, des temps, des temps, des temps à ne plus savoir quoi faire des jours qu’on aura à compter… je t’aime, déjà, tant.
(Illustration by Nancy Coste)