Non-européennes
Double culture
Travaux critiques
Multiculturel | En France, les études sur la double culture, l’influence des civilisations non-européennes sur la nôtre, se développent moins rapidement qu’en Angleterre ou qu’aux Etats-Unis. Mais de jeunes critiques et historiennes d’art se consacrent dorénavant à promouvoir ces études dans l’hexagone et notamment ce qui les rend plus accessibles dans le passage d’une réflexion universitaire à un mode d’exposition.
Une excellente production récente fut le fait d’Evelyne Jouanno et Hou Hanru au musée d’Art Moderne de la Ville de Paris accompagnant l’exposition sur l’Ecole de Paris. Il s’agissait d’examiner l’existence aujourd’hui d’une génération d’artistes étrangers de valeur internationale vivant à Paris. À la Criée de Rennes Elvan Zabunyan a prolongé une étude entamée à Paris et à New York sur les arts visuels afro-américains des quarante dernières années par une exposition collective d’une grande puissance.
La première génération active dans les années 70 représentée par Adrian Piper, David Hammons, Senga Nengudi, est peu connu en Europe ou de façon internationale. Dans la génération suivante, active dès la fin des années 80, beaucoup de ces artistes utilisent la photographie, seule, accompagnée de textes ou à côté d’une production filmique. Sous le titre très groove de « Love Supreme », beaucoup de ces œuvres inédites approchent une généalogie des arts visuels afro-américains où les femmes sont à juste titre, très présentes.
Quelques-unes comme Lorraine 0’Grady , Lorna Simpson ou Carrie Mae Weems ont acquis une réputation internationale au sein de ce qu’aux Etats-Unis on a appelé le « Narrative Art » ou dans les expérimentations croisant photographie plasticienne et sciences humaines. Ces travaux se veulent critiques de l’idéologie du White Power, de l’iconographie dominante de la publicité et des medias comme du machisme sous toutes ses formes, y compris noire.
Renée Green, dans une méthodologie proche de l’ethnographie ou de l’archéologie, constitue des archives contemporaines qui établissent autant de territoires culturels à partir des villes où elle expose, reconstituées en autant d’investigations généalogiques. Deux photographies d’une performance du début 80 menée par Lorraine O’Grady semblent, dans leur ironie grinçante, programmatique de cette arrivée sur le marché de l’art lorsqu’elle les titre « Mlle Bourgeoise Noire invades the New Museum ». En cela si on peut penser que ces artistes rejoignent le programme des Guerilla Girls, elles n’en retiennent pas que le caractère revendicateur mais elles revivifient ces exigences dans des esthétiques fortes plus subtiles que le seul militantisme.
La part importante faite aux artistes femmes, comme la manière dont des hommes comme Lyle Ashton Harris questionnent aussi leur appartenance à un genre sexué, comme à une identité bouleversée par les images, nous prouvent que ces artistes du multiculturel s’attachent à redéfinir au mieux les territoires de l’humain, ce qui fut le cas il y a quelques années des Magiciens de la terre, ce qui est aussi cette année à la base de l’interrogation proposée par Harald Szeemann aux artistes de la Biennale de Venise sous la forme « Plateaux de l’humanité ». Christian Gattinoni
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