Fils rouges

merci à ceux qui m’ont été liés (vodkas comprises) jeudi soir lors de ma performance-lecture à la Gougoutte à Pépé (XL) lors de la soirée estivale et douce et belle de la Troupe Poétique Nomade.

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Un extrait du texte pour ma peau:



« se coller contre soi, contre le sel, pour la peau, faire de soi le lieu propice, virer au rouge, être rouge, seulement le rouge, être la strate en plus, le ciel en moins, être là pour quelque chose, exprimer la contrainte par l’expansion, dire à soi que le temps n’a pas d’odeur, sortir des gonds, pour la peau, pour ce derme fruste, ce pore émoussé, se frotter à l’humeur de la veine, la rogne de l’artère, reconnaître l’adage « le corps est si robuste », abandonner l’idée de lutte, de concurrence, entrer encore, aller loin dans le débat contre soi, se dire qu’après, on verra, que là, il faut y aller, allez, vas-y, pénétrer, foncer, entrer dans le vif, contredire l’instinct de survie, se charrier contre le flux, entre deux diastoles, trouver l’ut majeur, tenter l’Aïon, finir par oublier qu’on est déjà dedans, tout le temps, dans un fond qu’on n’a jamais connu, savoir que le dedans est absolument ce dedans dont tout le monde dit qu’il est le néant, le dedans n’a rien de néant, le dedans a le dedans pour corps, reconnaître qu’aucun extérieur n’est jamais parvenu ici sauf sous la forme d’un vague éclat de verre dans une mémoire fautive, une intuition faussaire, gagner la foi en ce qui n’existe plus, apprécier que le derme, l’hypoderme soient si longs, si tortueux, si escarpés, se persuader que la détention expie, sentir que la chaleur étouffante est l’exutoire pur, être là pour le pore, être là pour la peau,

trouver le tunnel expiatoire sous les plasmas, revêtir la peau interne, celle qui ne s’écorche pas, celle qui ne brûle pas, rire du vide qui s’échappe, rire du vide qui s’enfuit, rire du vide, ah ah ah ah,

comprendre que le manque d’air est naturel, ancestral, comme prévu, on n’a toujours manqué d’air, ozone mon cul, on n’a jamais eu d’air,

flairer le manque, deviner la fondation, apprendre l’avant soi, prendre sa vessie pour la lanterne, pisser dans un violon, chier un salut romain, lever le pouce préhenseur vers le ciel, ce ciel n’a plus d’endroit pour corrompre les terres, attention c’est la nuit, comme une mort, attention cliché de la mort en route, distinguer la musique d’ascenseur au loin, imaginer un pianiste crétin, les jambes d’une danseuse obèse, des murs gris entourent la scène, voir le soi-moi-surmoi-sous-soi filer un mauvais coton, continuer vers le moyeu dermique, flatter le noyau de la peau, être là encore pour elle, pour son pore, tourner en lait caillé, coaguler le rouge avec l’argenté, panser la plaie ointe, l’arrière ne sait plus où il va,


prendre le temps de le perdre, prendre le temps de se perdre, »


en écoutant
ce ça là.


ce texte serait bientôt publié dans un magazine virtuel anarco-capitaliste à l’initiative de David Spailier.

(Illustration by Andrew Rae)