(ScreenShot de « La mer du milieu » Réalisation Jean-Marc Chapoulie & Nathalie Quintane / 2019)
Equinoxe
Le temps se fend comme un fruit, entre obscurité et lumière
et une brume habituelle traîne
au dessus de cette étendue
j’ai parcouru septembre de bout en bout,
pieds nus, de pièce en pièce
portant à la main un couteau bien aiguisé pour couper tige ou racine
ou mèche les yeux ouverts
aux coquilles d’abalone flammes des bougies commémoratives
citrons fendus roses couchées
le long de poutres se carbonisant Choses belles
: : acres mornes de pays développé à l’image de son nom: Nulle part
marécages détritus brûlés menaçants en son coeur
orbite métal d’arme sang bleu de minuit et
masques mystifiants je croyais savoir
que l’histoire n’était pas un roman
Ainsi puis-je dire que ce n’était pas moi fichée comme l’Innocence
qui te trahis servant (en protestant toujours)
les desseins de mon gouvernement
pensant que nous arriverions à construire un lieu
où la poésie vieille forme subversive
pousse de Nulle part ici?
où la peau pourrait reposer sur la peau
un lieu « hors limites »
Peux dire que je me suis trompée ?
Être si meurtrie: dans les organes écheveaux de la conscience
Encore et encore avons laissé faire
du mal aux autres broyant le noyau de l’âme
cet ego à la tonalité sourde libéré, essaimant dans le monde
si meurtri : cœur spleen longs rubans enflammés
des intestins
le collier vertical de l’épine dorsale oscillant
Avons laissé essaimer
en nous laissé advenir
comme cela se doit, au plus profond
mais avant ceci : longtemps avant ceci ces autres yeux
frontalement se sont exposés, ont parlé
2001
(p. 96)
Adrienne Rich – Paroles d’un monde difficile, poèmes 1988-2004.